S’outiller contre la fraude: un photo-roman par et pour les aînés

Vingt-deux aînés du Plateau ont participé à la création d'un photo-roman pour aider leurs pairs à s’outiller contre la fraude, un phénomène qui fait de plus en plus les manchettes.

Des pages du photo-roman sont exposées sur les murs, alors que deux personnes discutent devant elles.
Le lancement de Mensonges : Quand la fraude s'invite chez vous a eu lieu dans les locaux des Accordailles, au HLM Laurier. – photo : Devin Ashton-Beaucage
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Après s’être attaqué à l’intimidation, l’âgisme et l’isolement, l’organisme du Plateau Les Accordailles a lancé un quatrième photo-roman portant sur des tactiques de fraude pouvant cibler les aînés, jeudi. Il s’agit de Mensonges : Quand la fraude s'invite chez vous.

«J’ai adoré ça», a affirmé sans hésiter Louise Charbonneau, l’interprète d’un des personnages principaux du photo-roman. «On est bien guidés.»

Louise Dolbec partage cet enthousiasme. «C’est mon troisième photo-roman», a-t-elle lancé, le sourire aux lèvres.

Trois scénarios pour comprendre la fraude qui vise les aînés

L’œuvre comprend trois histoires racontant des expériences de fraude différentes à l’aide de photos et de phylactères.

La première illustre un cas de fraude de type «grands-parents». Le personnage de Gisèle y reçoit un appel d’une personne se faisant passer pour sa petite-fille. Cette dernière dit être à l’étranger et devoir se faire opérer en urgence. Elle demande à Gisèle de lui faire parvenir 3000$ pour ce faire.

Dans la deuxième histoire, Marcel se fait réveiller par un homme prétendant être un représentant de sa banque, qui lui réclame ses informations personnelles en faisant croire à une brèche de sécurité. Il s’agit d’une fraude de type «faux représentant».

Dans la dernière histoire, Pierrette tombe dans le piège d’une fraude amoureuse. Divorcée après un mariage de 41 ans, elle croit avoir trouvé la flamme sur Internet, mais l’objet de sa passion lui demande de l’aide financière. 

Dans les pages finales du cahier, on décortique les tactiques de manière plus détaillée. Les coordonnées de ressources d’aide sont également incluses.

Un phénomène qui touche de nombreux aînés

«On parle souvent d'argent, parfois de cartes bancaires volées ou de NIP. Bref, de petits désagréments, mais ça peut vraiment avoir des conséquences très graves pour beaucoup de personnes», a souligné Jade Ostiguy, chargé·e du projet et intervenant·e de milieu aux Accordailles, notant des cas pouvant aller jusqu’au suicide.

Les jeunes adultes sont plus souvent victimes de fraude, mais les personnes âgées perdent davantage d'argent par incident. – Source: Rapport annuel 2024 • Centre antifraude du Canada

Cela dit, l’humeur dans les locaux de l’organisme, près du métro Laurier, était plutôt festive, alors qu’on s’est remémoré les fous rires et péripéties ayant marqué la réalisation du projet. 

C’est en notant la place grandissante des cas de fraude dans les médias que l’équipe des Accordailles s’est intéressée au sujet.

Mme Ostiguy se tient à proximité d'un écran et s'adresse à la petite foule.
Jade Ostiguy présentant le projet de photo-roman. – photo : Devin Ashton-Beaucage

Jade Ostiguy a raconté sa surprise en découvrant l’ampleur de la situation. «On ne savait pas que ça touchait les aînés à ce point-là. On a eu beaucoup de témoignages de personnes qui ont été fraudées ou qui venaient de recevoir des appels», a noté l’intervenant·e. 

«Ce qui revient beaucoup, ce sont des mécanismes où l’on agit sur les émotions et l’urgence[...] Quand on en a conscience, ça aide vraiment à la prévention.»

Lise Lortie, qui a assisté au lancement, a d’ailleurs confié avoir été victime de fraude amoureuse par Internet.

«J’étais très déboussolée. C’était très difficile à vivre[...] J’ai perdu beaucoup d’argent.»

Selon l’intervenante de milieu des Accordailles, Sherley McLean, la pandémie a donné un élan aux tentatives de fraude. Celles-ci peuvent être particulièrement efficaces dans certains contextes où les personnes ciblées sont plus vulnérables. 

«Il y a des aînés qui prennent des médicaments ou qui sont plus lents à démarrer le matin. Ils sont anxieux et ne prennent pas le temps de réfléchir», a-t-elle illustré.

Les trois dames sont assises à table.
Lise Lortie, Louise Charbonneau et Louise Dolbec, lors de l'événement de lancement. – photo : Devin Ashton-Beaucage

Le photo-roman Mensonges : Quand la fraude s'invite chez vous, ainsi que les discussions et la recherche entourant sa production peuvent contribuer à rendre les potentielles victimes plus alertes, selon elle. 

«On se rend compte que ce n'est pas un manque d'intelligence, de connaissance ou d'éducation. En fait, c'est souvent situationnel», a souligné Jade Ostiguy, disant vouloir briser les préjugés sur les personnes qui se font prendre.

Des efforts récompensés par Québec

En tout, 22 aînés ont participé au projet en plus de membres de l’équipe des Accordailles. Un comité s’est rencontré à neuf reprises pour explorer le sujet et développer des idées d’histoire. 

Les participants ont notamment eu l’occasion d’entendre une agente sociocommunautaire du Service de police de Montréal, une intervenante de SOS Aînés Maltraitance et un directeur adjoint de la Caisse Desjardins du Mont-Royal parler de fraude. 

Afin de créer les images illustrant les trois histoires, les porteurs de personnages se sont fait photographier sur huit jours étalés entre octobre 2024 et janvier 2025, avant que le tout ne soit assemblé par un infographiste.

La Fondation Joly-Messier a offert le financement permettant de donner vie au projet. 

Une surprise attendait les participants à la fin de l’événement de jeudi. La députée solidaire de Mercier, Ruba Ghazal, leur avait tous décerné un certificat de reconnaissance de l’Assemblée nationale soulignant leur engagement.

Les Accordailles: un organisme au service des 50 ans et plus

Créé en 1980, l’organisme Les Accordailles offre du soutien à la population âgée de 50 ans et plus du Plateau.

«La majeure partie de nos services, c'est de l'accompagnement bénévole pour des visites chez le médecin, des marches ou des appels d'amitié, ou pour aller faire des courses pour les aînés», a expliqué Sherley McLean.

L’organisme compte sur quelque 25 bénévoles, qui ont donné des coups de main à plus de 400 personnes en 2024-2025, ou qui leur ont simplement permis de rompre l’isolement social, le temps d’un appel ou d’une rencontre en personne. 

Les cas d’accompagnements médicaux «plus difficiles» sont toutefois confiés à deux membres rémunérés de l’équipe, a précisé l’intervenante. 

Les Accordailles organisent également des sorties et des repas communautaires offerts tous les mardis, suivis d’un bingo, dans leurs locaux du HLM Laurier.

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