L'ex-mairesse de Houston, Annise Parker, explique comment son initiative a réduit de 60% le nombre de personnes en situation d’itinérance dans sa ville.
L'approche «logement d'abord» de Houston: un modèle pour lutter contre l'itinérance dans Milton-Parc?
L'ex-mairesse de Houston, Annise Parker, explique comment son initiative a réduit de 60% le nombre de personnes en situation d’itinérance dans sa ville.
Tel qu’évoqué dans des articles précédents, le Comité de bon voisinage de Milton-Parc s’est penché sur l’enjeu de l’itinérance dans le quartier aux abords du centre-ville.
Ses membres en sont venus à vanter les mérites de l’approche du «logement d’abord» aux élus concernés, pointant les exemples de Helsinki et Houston.
Mon Plateau est donc entré en contact avec l’ex-mairesse de Houston, Annise Parker, afin de comprendre comment son administration s’était attaquée aux problématiques liées à l’itinérance au début des années 2010 à travers son initiative, The Way Home.
Prise en charge de 6000 personnes en situation d’itinérance
Cette approche a permis une réduction spectaculaire du nombre de personnes sans logement dans la ville texane, entre 2012 et 2016. «Nous l’avons fait baisser de 60% au cours des quatre dernières années de mon administration», résume Mme Parker.
À son entrée en poste, la proportion de personnes non logées à Houston était parmi la plus élevée aux États-Unis. Environ 6000 individus ont été pris en charge grâce à son initiative, faisant chuter les statistiques.
Quel a été le secret de ce revirement? Les efforts des différents acteurs de la ville ont été coordonnés. Cette alliance a permis de regrouper leurs données et d’ainsi mieux cibler les efforts à prioriser.
Un projet pilote prometteur
L’histoire commence en 2011, lorsque «le département de l’Habitation et de l’Urbanisme des États-Unis (United States Department of Housing and Urban Development) a sévèrement critiqué Houston pour son manque d'action en matière de lutte contre l’itinérance», raconte l’ancienne mairesse.
La municipalité avait donc été ciblée par le palier fédéral, qui avait organisé une rencontre avec plusieurs experts et organismes de la région en plus d’y insuffler des fonds pour s’attaquer à cet enjeu.
Alors qu’elle était au fond de la salle, Mme Parker dit avoir été frappée par le constat que, malgré leurs efforts, cette centaine de différents acteurs travaillait en parallèle, sans convergence.
«J’ai eu un genre de révélation: si on pouvait coordonner leurs efforts pour qu’ils fassent ce qui devait être fait pour résoudre nos problèmes et non ce qu’ils avaient envie de faire, on pourrait obtenir des résultats», se remémore l’élue.
L’idée lui est restée quelque temps en tête jusqu’à ce que Washington alloue des fonds pour loger d’anciens combattants cette même année. C’était donc l’occasion pour Annise Parker de mettre son idée à l’épreuve.
«J’ai mis tout le monde dans une même pièce et nous avons réussi à loger 101 anciens combattants en 100 jours.» Elle dit que l’exploit a ensuite été répété à deux reprises.
La naissance du projet The Way Home
En 2012, lors d’un discours inaugural pour un nouveau mandat, Annise Parker annonce que l’itinérance serait une priorité.
C’est alors que naissait le projet structurant The Way Home (le chemin vers chez soi), qui a centralisé les ressources et les données de plus de 100 organismes concernés.
Dans ce contexte, quelque 850 personnes non logées sur un total estimé de 10 000 ont été interrogées pour dresser un portrait de l’itinérance à Houston.
Mme Parker a constaté que plusieurs organismes disposaient d’espaces d’habitation vacants, car les unités ciblaient parfois des groupes précis. Par exemple, l’offre de lits pour femmes dépassait la demande.
«C’est là que j’ai sorti mon gros bâton métaphorique et que j’ai dit “nous allons diriger l’argent là où les besoins se trouvent”», raconte l’ancienne élue.
Une réallocation des ressources
Sans financement additionnel du département fédéral de l'Habitation et de l'Urbanisme, Mme Parker a réorganisé l'attribution des fonds existants. «J’avais simplement commencé à déplacer des sommes d’argent. Ça en avait fâché plusieurs.»
«J’ai brûlé beaucoup de capital politique, mais ça en a valu la peine.» Le contrôle des fonds fédéraux lui a permis de convaincre d’importants organismes philanthropiques du Texas de soutenir sa démarche.
«Tout ce que je vous demande est de me donner assez de marge de manœuvre pour voir si ça peut marcher», avait-elle demandé à certains joueurs influents qu’elle avait ajoutés au comité consultatif de The Way Home.
«J’ai déjà prouvé que nous pouvions y arriver avec nos initiatives pour les anciens combattants. Faites-moi confiance. Ça va prendre quelques années. Ne sapez pas mes efforts!»
Des résultats concrets
Ses efforts ont porté fruits. Près de 1600 unités ont été construites, principalement des logements sociaux, libérant ainsi des lits dans les refuges. L’absence de zonage à Houston, et donc de demande de dérogation, a facilité la mise en œuvre rapide des projets.
Mme Parker avait aussi constaté qu’environ 100 millions $ US étaient dépensés annuellement pour des services d’urgence. «J’ai pensé “je pourrais loger ces 10 000 personnes dans des hôtels de luxe avec 100 millions $. Ça n’a pas de sens!”»
Un autre succès de cette initiative peut être attribué à la distribution de 1000 bons de logement, pour des ménages à faible revenu, qui n’avaient toujours pas trouvé preneurs.
Devant une demande qui atteignait près de 30 000 ménages, l’organisme qui en était responsable avait en quelque sorte figé face au défi de faire le tri. The Way Home avait alors pris le relais et s’était assuré de les distribuer.
Au-delà du logement
Annise Parker compare la crise de l’itinérance au naufrage du Titanic, où trop peu d’embarcations de sauvetage avaient été lancées à la mer, sans être pleinement occupées.
«J’ai trouvé une manière pour que chaque siège des embarcations mises à l’eau soit rempli [...] Le problème est que le navire continue de couler parce que nous ne traitons pas suffisamment les problèmes de santé mentale et les dépendances. Et nous en faisons trop peu pour ce qui est des évictions», illustre-t-elle.
«Nous n’avons pas bouché le trou dans la coque du navire. J’ai simplement compris comment être très efficace pour remplir des embarcations.»
Elle soutient que la rue n’est pas un endroit propice pour soigner ses problèmes de santé mentale ou de tenter de se désintoxiquer.
«Vous ne pouvez pas vous mettre dans un état d'esprit propice à la guérison si vous vous inquiétez de savoir où trouver votre prochain repas et si vous allez pouvoir dormir en sécurité.»
Pour Mme Parker, il est clair qu’il faut avant tout prioriser l’accès à un logement, tout en indiquant que les autres soins seront nécessaires, ne serait-ce que pour pouvoir garder les individus logés.
«On doit construire plus d’habitations, plus denses et plus élevées, à toutes les gammes de prix. Il faut aussi en réserver une certaine part pour ces personnes qui vont avoir besoin de services sociaux.»
Ayant couvert l’actualité au sein de l’équipe de l'Acadie Nouvelle, Devin s'est joint à Mon Plateau en janvier 2025 grâce à l'Initiative de journalisme local (IJL).
L’arrondissement du Plateau-Mont-Royal va relancer le Comité de bon voisinage de Milton-Parc avec des objectifs plus précis, deux ans après une première mouture visant à améliorer la cohabitation avec les personnes en situation d'itinérance.