Des organismes réclament plus d'installations sanitaires publiques bien entretenues, alors qu’un rapport démontre que l’accès actuel est inadéquat pour les enfants, les femmes et les aînés.
Y a-t-il assez de toilettes publiques dans Le Plateau-Mont-Royal?
Des organismes réclament plus d'installations sanitaires publiques bien entretenues, alors qu’un rapport démontre que l’accès actuel est inadéquat pour les enfants, les femmes et les aînés.
«C’est un besoin d’avoir accès aux installations sanitaires», a soutenu Valérie Doran, de la Corporation de développement communautaire du Plateau-Mont-Royal. – photo : Devin Ashton-Beaucage
Plus de toilettes publiques et accessibles: c’est ce que demandent la Corporation de développement communautaire (CDC) du Plateau-Mont-Royal, Respire et Eau Secours.
Le 2 novembre, à l’occasion de la Journée mondiale des toilettes, des représentantes de ces trois organismes distribuaient des prospectus aux passants, à côté d’une cuvette placée au coin des rues Sherbrooke et Saint-Urbain.
«Il y a une grande pression sur les installations existantes», a souligné Valérie Doran, notant la densité de population élevée du Plateau. – photo : Devin Ashton-Beaucage
Des accès inéquitables qui laissent à désirer
«C’est un besoin d’avoir accès aux installations sanitaires et aux bâtiments municipaux», a affirmé Valérie Doran, membre attitrée au volet itinérance et vivre-ensemble de l’équipe de coordination de la CDC.
«On s'est rendu compte que les espaces publics du Plateau-Mont-Royal n'étaient en fait pas autant accessibles pour les femmes, les filles et les aînés.»
Le rapport constate effectivement que les hommes, qui se gênent moins de recourir au soulagement en plein air ou à l’usage de toilettes chimiques, sont moins lésés par le manque de commodités.
«Les toilettes chimiques répondent aux critères de proximité, d’accessibilité, de gratuité et d’horaire 24h/7 jours, mais l’insalubrité et l’absence de matériel d’hygiène presque systématiques freinent leur usage — surtout pour les femmes et les filles, usagères minoritaires», peut-on lire dans le document, basé sur des entrevues faites auprès de 45 usagers de l’espace public et 80 heures d’observation de cinq sites du Plateau.
«Elles ne permettent pas de répondre à ses besoins d'hygiène de base. Les gens les évitent, en fait», a résumé Sarah-Maude Cossette, chercheuse chez Respire, un organisme qui s’intéresse aux enjeux urbains.
«Retourner à la maison, écourter sa présence dans l’espace public, c’est la réalité des femmes et des filles.»
De son côté, Nathalie Boucher, qui est directrice et chercheuse au sein du même organisme, a souligné que la population ne s’attend pas à trouver des toilettes accessibles et se trouve donc des stratégies pour s’en passer.
«Les personnes qui ne peuvent pas, celles avec la maladie de Crohn ou autre, ne sortent pas», a-t-elle avisé, notant que le tourisme est également impacté par l’absence de commodités.
Le rapport de Respire note aussi que les installations sanitaires ne sont pas forcément adaptées aux besoins de personnes handicapées. Il conclut également qu’elles peuvent être inaccessibles même lors des heures d’ouverture affichées.
Même si elles sont bien nettoyées, Nathalie Boucher et Sarah-Maude Cossette notent que la population aura tendance à éviter les toilettes chimiques, perçues comme étant sales et sous-équipées. – photo : Devin Ashton-Beaucage
Se fier aux commerçants
Tel qu’évoqué plus haut, le retour chez soi est la seconde option privilégiée parmi les personnes sondées dans le contexte du projet de recherche. La première est de recourir aux toilettes de commerçants.
Cela dit, les organismes associés au projet Passion Toilette préféreraient que la population n’ait pas à se fier à cette option, où l’accès peut être accordé ou refusé en fonction de pratiques discriminatoires, ou encore être conditionnel à l’achat de produit.
«Ce n'est pas une bonne solution», a affirmé Rébecca Pétrin, directrice générale d’Eau Secours, un organisme qui milite pour la gestion responsable de l’eau. «C'est un service qui devrait être rendu par les municipalités», a-t-elle ajouté, soutenant que les installations publiques ont moins tendance à exclure les personnes marginalisées ou en situation d’itinérance.
«On n'a pas inclus dans notre façon de penser que, pendant la journée, les humains ont besoin de toilettes», a affirmé Rébecca Pétrin, soulignant que le manque d'accès cause des problèmes de santé publique à travers le monde. – photo : Devin Ashton-Beaucage
Le réseau L'Oranger
L’organisme Plein Milieu s’est entendu avec des commerçants et gestionnaires d’édifice afin que différents services puissent être accessibles à la population. Ceux-ci font partie de L'Oranger, un réseau solidaire à l’itinérance. Ce sont, toutefois, majoritairement des établissements publics ou communautaires qui offrent l’accès aux toilettes.
De manière plus ponctuelle, Plein Milieu a aussi réussi à bonifier l’accès aux toilettes en demandant aux organisateurs du Festival BD de Montréal de laisser leurs modèles portatifs, installés sur la rue Saint-Denis, déverrouillés pendant la nuit.
De son côté, Valérie Doran a rappelé la promesse de Projet Montréal de rendre accessibles des toilettes publiques à portée de marche dans tous les quartiers.
«Un défi sanitaire important» pour Le Plateau
Du côté de l'arrondissement, on dit vouloir rencontrer la CDC à ce sujet.
«D'emblée, nous partageons l’enthousiasme et l’engagement de la CDC dans ce dossier et nous reconnaissons particulièrement toute l’importance de ces installations sur le quotidien des personnes en situation d’itinérance, des familles, des aîné(e)s et des femmes», répond Geneviève Allard, chargée de communications du Plateau-Mont-Royal.
«Nos équipes analysent déjà attentivement ce rapport et ses recommandations.»
Elle ajoute que les nouveaux aménagements prévus à la place Gérald Godin, à l’aréna Saint-Louis et aux parcs Baldwin, La Fontaine et Jeanne-Mance viendront améliorer les accès aux installations sanitaires.
«En tout, près d’une quarantaine de lieux du Plateau sont munis de toilettes pour la population», résume-t-elle.
Mme Allard, souligne toutefois que Le Plateau-Mont-Royal attire une quantité importante de personnes de l’extérieur de l’arrondissement.
«Il s’agit là d’un défi sanitaire important pour nos équipes et les ressources sont limitées». Elle ajoute que les installations «subissent quotidiennement des incivilités, du vandalisme et des vols de toutes sortes: papier, savon, et même les toilettes chimiques!»
Les installations dans les parcs sont entretenues quatre fois par jour et les toilettes chimiques sont vidangées entre cinq et sept fois par semaine, précise-t-elle.
Des recommandations pour améliorer l’accès
Dans le rapport produit par Respire, on recommande notamment de rendre les toilettes accessibles en tout temps, d’éviter les toilettes chimiques dans la mesure du possible et de miser sur des modèles adaptés aux personnes avec des limitations fonctionnelles ou encore aux enfants et aux poupons.
On recommande aussi de veiller à ce que les lieux soient propres et équipés du nécessaire pour se désinfecter les mains, disposer de produits menstruels ainsi qu’une quantité suffisante de papier de toilette. L’équipe de recherche a observé que cette dernière ressource était plutôt rare dans les sept toilettes chimiques étudiées et carrément absente dans deux des cas.
Finalement, on incite à mieux communiquer l’existence et les heures d’ouverture des installations sanitaires et d’en construire de nouvelles dans des secteurs achalandés de l’arrondissement.
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