Les Ateliers d'éducation populaire du Plateau (AEPP) se sentent fragilisés. Depuis quelques années, le CSSDM leur impose un loyer, mais le ministère de l'Éducation (MÉQ) ne s'engage pas à éponger les coûts de manière récurrente.
L'organisme communautaire qui offre des ateliers éducatifs gratuitement à la population du Plateau-Mont-Royal n'aurait autrement pas les moyens de payer pour ses locaux et l'entretien du bâtiment. Les cinq autres centres d'éducation populaire (CEP) de Montréal se trouvent dans une situation similaire.
Pendant une quarantaine d'années, le ministère de l'Éducation a offert un soutien stable à ces organismes communautaires.
«Il y avait une reconnaissance et une pérennisation du fait que nos loyers étaient à 0$, parce qu'on fait du travail d'éducation dans des bâtiments de l'Éducation», explique Xavier Philippe-Beauchamp, porte-parole d'InterCEP, soit l'alliance des centres d'éducation populaire de Montréal.
Mais au cours des dix dernières années, le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), faisant face à des compressions budgétaires, a exigé que les CEP paient pour les frais d'exploitation des bâtiments. Sont ensuite venus les loyers.
Une situation incertaine et énergivore
Jusqu'ici, les CEP ont réussi à obtenir les fonds nécessaires en faisant des demandes annuelles au Programme de soutien à des partenaires en éducation (SAP) du MÉQ.
Ils ont toutefois dû allouer une part importante de leurs efforts pour faire pression sur Québec afin que le soutien soit renouvelé. Aux AEPP, la directrice générale, Annie Vidal, dit qu'une vingtaine de rencontres ont été organisées annuellement avec cet objectif et que ses membres ont été mobilisés.
Elle déplore que ces fonds ne soient pas récurrents et affirme qu’ils peuvent être octroyés tard dans l'année financière. «On a passé presque toute l'année dernière sans avoir d'argent», souligne-t-elle.
Xavier Philippe-Beauchamp dit avoir été témoin de réponses arrivant à la toute dernière minute, soit le 30 mars, ailleurs dans le réseau des CEP. «Ça nous met vraiment dans l'incertitude», déplore-t-il, affirmant également que d'année en année, les centres se font dire par le MÉQ qu'il ne fournira plus de soutien financier.
Le CSSDM durcit le ton
Depuis que l'on avait exigé un paiement de loyer aux AEPP, l’organisme avait pris l’habitude d’envoyer ses versements une fois les montants reçus du Programme SAP. La situation a toutefois changé.
«L'année passée, on avait attendu que l'argent rentre pour payer le loyer. Mais cette année, dans le contexte général où ils coupent partout, on s'est dit que ce serait important qu'on puisse conserver notre bail», explique la directrice générale des AEPP, affirmant que le «CSSDM est devenu beaucoup plus agressif.»
«On se sentait plus fragile», souligne-t-elle, rappelant les conditions du bail du 4273, rue Drolet, où se trouvent les locaux des AEPP. «Il est inscrit que, si on ne paie pas le loyer dans les cinq jours après la réception de la facture, ils sont en droit de mettre fin au bail.»
M. Philippe-Beauchamp renchérit en indiquant croire que le CSSDM est en train de judiciariser le dossier, notant les réceptions de plusieurs mises en demeure.
Du côté du CSSDM, on souligne que «de nombreux rappels, au cours de la dernière année, ont été faits auprès de ces CEP locataires leur demandant de régulariser leurs arrérages.»
Alain Perron, responsable des relations de presse, soutient que le CSSDM comprend l'importance des missions des CEP, mais que les défauts de paiement de ces derniers ont porté préjudice à celle du CSSDM, qui n'a pas de financement dédié à l'entretien de ses bâtiments excédentaires.
À qui la faute?
«Cette situation-là est créée de toutes pièces par le ministère», déplore Xavier Philippe-Beauchamp. «C'est le ministère qui a fait des compressions budgétaires, qui a obligé le CSSDM à nous imposer un bail.»
Il croit donc que le centre de services scolaire devrait plutôt faire pression sur le gouvernement. «Le CSSDM fait les frais de la mauvaise gestion du ministère», insiste-t-il.
D'autre part, le porte-parole d'InterCEP souligne que d'offrir le financement récurrent demandé par les six CEP montréalais ne représenterait que 0,006% du budget du ministère de l'Éducation, soit 1,5 million $ sur 23,5 milliards $. «Il y a un manque d'originalité et de créativité de la part du gouvernement», estime-t-il, et non un manque de ressources.
Des bâtiments payés par la population
Au cours des derniers mois, les AEPP ont réussi à faire leurs versements mensuels en pigeant dans leur budget d’exploitation, et ce, sans couper dans leurs services.
«On a réussi au bout d'une dizaine d'années à mettre un peu d'argent de côté. Mais on ne pourra pas durer longtemps comme ça parce que notre loyer, c'est quand même presque 60 000$ par année», précise Annie Vidal.
Donnant en exemple des cas d'expulsions menant à des locaux vides, elle craint que le CSSDM choisisse éventuellement de vendre le bâtiment de la rue Drolet, engendrant des «conséquences importantes».
«Ce sont des bâtiments publics. C'est la population qui les a payés et on considère qu'ils doivent garder une vocation publique», souligne-t-elle, tout en indiquant ne pas avoir l'impression d'être sur le point de fermer.